Eloge du silence
Nous nous évertuons souvent à meubler le silence, auquel nous attachons tant de connotations négatives. Nous craignons le silence comme un abîme à la gueule béante, prêt à nous entraîner au fin fond de l’évanescence, de la fadeur ou de l’insignifiance. Nous craignons le silence de l’absence, de la solitude, du désamour, celui qui nous laisse entendre les pensées qui se bousculent dans nos têtes ; les silences embarrassés, agressifs, mensongers.
Pourtant le silence n’est lourd que du sens de nos interprétations. Le silence n’est lourd, pesant ou assourdissant que dans les figures de style des poètes et des idées reçues. Le silence n’est rien d’autre que lui-même.
Bien entendu, à force de l’accuser de la rage, il se pourrait bien que de temps en temps il nous morde. Et finalement tant pis pour nous : c’est notre regard qui le façonne ainsi.
Apprivoisons le silence, nourrissons-le pour qu’il s’approche de notre main tendue, donnons-lui une chance de nous montrer sa nature. Libérons-nous de l’emprise de la peur et goûtons sa compagnie. Pour en apprécier enfin la musique.
Car il y a de merveilleux silences :
Le silence avant l’orage,
Le silence de la montagne au crépuscule, à l’heure où tout est bleu,
Le silence du désert, tout juste ponctué de la chanson du vent,
Le silence qui accueille la parole de l’autre comme un bien précieux,
Le silence d’une belle image,
Le silence de celui qui réfléchit, qui crée, qui avance
Le silence de contemplation,
Le silence quand l’essentiel a été dit.
Je me souviens de merveilleux silences :
Je pense à mon ami M. avec qui j’ai partagé de nombreuses absences de conversation, tantôt complices tantôt paisibles. Libre à moi de faire du silence de sa disparition l’écho de mes jolis souvenirs ou le sombre reflet du vide.
Je pense à mon amie L. Nos bavardages et nos rigolades, y compris téléphoniques, sont parfois ponctués de longs silences où nous savourons tout simplement la présence de l’autre.
Je pense aux chutes d’Iguazu, en Argentine, où j’avais rencontré une autre voyageuse solitaire. De nuit, la lune d’un côté, l’orage de l’autre, le spectacle nous a laissées ébahies, muettes, béates. Partager silencieusement une expérience devant laquelle il n’y a pas de mots (du moins en manquions-nous), quelle magie.
Le silence est une échappée belle, un havre enchanteur, un territoire à explorer, un petit bonheur à apprivoiser.
Alors
« regarde-moi sourire,
Prends cette urne et buvons,
En écoutant sans inquiétude,
Le grand silence de l’univers. » (Omar Khayyam)
Sur une idée de Dracip27 et un texte de
Sylvaine Pascual (tout droits réservés)