6 septembre 2008 6 06 /09 /septembre /2008 18:57

La monnaie de sa pièce :

Un jour, une dame est appelée par téléphone par un homme se faisant passer pour le patron de son mari. En fait, il s'agit d'un animateur radio qui compte lui faire une blague à la demande de son mari.

Le «patron du mari » commence alors à dire à la femme que son mari vient d'être viré pour vol et parce qu'il a violé une de ses collègues.
La femme à l'autre bout du fil devient folle de rage, et lui dit que dorénavant, elle ne se sentira plus coupable d'avoir trompé son mari avec le frère de celui-ci.

 

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6 septembre 2008 6 06 /09 /septembre /2008 08:15

Alors se produisit un évènement inconnu de tous les animaux de la montagne, inconnu même du génie de la montagne. Cet évènement, nul être vivant n’y avait jamais assisté car il ne peut se produire qu’à la suite de circonstances tellement improbables qu’il ne s’était peut-être jamais produit ou, s’il s’était déjà produit, c’était dans un passé trop ancien pour que quiconque ait pu le voir ou puisse s’en souvenir.

A l’emplacement des restes du corps de l’oiseau, un sillon s’ouvrit dans le sol d’où une fleur, dont la beauté et la majesté dépassent l’entendement, s’élança vers le ciel et le soleil. Les formes, les couleurs, les odeurs mélangées de cette fleur ne peuvent pas être décrites par des mots humains. Il faudrait connaître des millions de mots ne parlant que de la beauté pour que la description de cette merveille puisse s’approcher un peu de la réalité. La fleur enchantée venait d’éclore, une fleur qui ne pousse que si la terre a été nourrie par un être doté d’une bonté infinie et d’un amour infini. Une fleur qui, pour naître, a besoin d’un sacrifice car sa beauté est le reflet de la générosité d’un martyr. Le bel oiseau blanc au plumage d’argent était mort et la fleur étincelante était née.

Une dame oiseau avait assisté à cette éclosion miraculeuse. Comme tous les animaux de la montagne, elle connaissait l’oiseau qu’elle avait souvent croisé alors qu’il volait en tous sens. Au cours de ces rencontres, l’oiseau était si obsédé par sa quête qu’il ne l’avait jamais saluée ni même remarquée. Mais la dame oiseau l’avait trouvé tellement beau qu’elle en était tombée amoureuse. Elle l’avait souvent suivi en essayant de le détourner un peu de sa quête mais sans aucun résultat. Elle avait pourtant essayé tous les artifices de la séduction, les danses les plus lascives accompagnées de doux chants mélancoliques, les dons de nourritures, le chatouillis des plumes avec le bec, les grands vols enflammés au-dessus des nuages vers le soleil chaud et brillant. Aucune de ses manœuvres n’avait réussi à distraire le bel oiseau. Mais elle l’aimait tellement qu’elle n’avait jamais abandonné l’espoir de le conquérir. Et elle avait beaucoup pleuré en assistant à sa mort car elle perdait son unique amour et elle ne pouvait rien faire pour le sauver.

A la naissance de la fleur, la dame oiseau, qui avait longtemps douté du bien-fondé de la quête, se rendit compte qu’elle avait eu tort. Elle avait pensé que l’oiseau était merveilleusement beau mais un peu fou car mourir pour une fleur légendaire que nul être vivant n’avait jamais vue était un signe de délire. Elle savait maintenant que ce qu’elle avait pris pour de la folie avait été de la générosité. Malheureusement, l’oiseau mort ne pouvait pas achever sa quête et, si personne n’emportait la fleur pour la déposer aux pieds de la sirène, sa mort s’avérerait inutile et la légende raconterait qu’il était mort pour une chimère. La dame oiseau ne voulait pas que la fleur, qui était tout ce qui lui restait de son bel oiseau, restât bêtement sur le sommet de la montagne, sans aucune utilité, alors que l’oiseau aurait tant souhaité l’emporter vers la sirène. Par amour et par fidélité pour son bel oiseau mort, la dame oiseau prit la fleur dans son bec et s’élança en direction de la rivière et de la sirène.

Elle volait, elle volait la belle dame oiseau. Elle traversa les champs, les étangs, les marécages, les villes et les villages et les fermes, sans s’arrêter pour boire, manger et se reposer. Elle savait qu’il ne restait plus beaucoup de temps et que la sirène risquait d’être morte à son arrivée si elle traînait trop en chemin.

Mais un jour, alors qu’elle volait sans inquiétude vers son but, le malheur survint. Elle eut tout juste le temps d’entendre un coup de feu et d’éprouver une terrible douleur dans la poitrine. Elle tomba morte sur le sol. Le cruel chasseur, accompagné de son chien, vint ramasser son corps ensanglanté et ils disparurent tous deux avec le cadavre qui n’allait pas tarder à griller dans une rôtissoire. Le chasseur était bien trop niais et fruste pour voir la merveilleuse fleur tombée sur le bord du chemin, loin du corps de la dame oiseau. Et elle resta là, attendant que quelqu’un vienne la prendre.

Un jour, un prince passa sur ce chemin. Il s’ennuyait tellement à la cour de son père qu’il avait souhaité échapper à la compagnie frivole des courtisans. Il était parti se promener seul sans son cheval, estimant que le voyage serait plus long et plus intéressant à pied. Il vit la fleur qui gisait sur le bas-côté de la route. Il éprouva immédiatement pour elle de l’admiration et il la ramassa. Il ne savait pas encore ce qu’il allait en faire. Elle était trop belle pour être laissée sur place, trop belle pour être donnée à n’importe quelle donzelle rencontrée à la cour de son père, trop belle pour être donnée à une passante au hasard. Il l’emporta donc sans savoir qui serait digne de la recevoir.

Il marchait, il marchait le prince. Passant par des chemins, des sentiers, des passages, des défilés, des ponts, enjambant les creux, les bosses, les trous, traversant des territoires inconnus des cartes, circulant dans des villes dont le nom était imprononçable, il finit par atteindre une belle rivière dont le cours paisible lui sembla propice au repos. Au bord de l’eau il y avait une sirène étendue qui semblait très malade. Le prince avait toujours été compatissant envers les pauvres et les malades. Il vint vers la sirène pour lui demander ce qu’il pouvait faire pour elle.

 

La sirène jeta sur lui un regard fatigué et presque éteint. Elle s’était tellement affaiblie depuis le départ du lapin qu’elle ne reconnut pas immédiatement le prince. Et pourtant elle avait devant elle l’objet de sa mélancolie, la raison de son mal. C’était son bien-aimé qui se penchait sur elle, l’homme dont elle était amoureuse au point de ne plus souhaiter vivre.

- Mademoiselle, lui dit le prince qui ne reconnaissait pas la sirène et ne savait rien de son amour. Je vous vois bien malade mais je ne sais que faire pour vous soigner. Je ne suis pas médecin et, même si j’étais médecin, je ne suis pas sûr que je saurais choisir le bon remède pour une sirène. Pouvez-vous me conseiller et me dire quelle est votre maladie ? Si vous me confiez les symptômes de votre mal, j’irais dans la ville la plus proche pour y chercher les potions nécessaires à votre guérison.
- O mon doux prince, dit la sirène qui avait remarqué que le prince ne se souvenait même pas de leur unique rencontre qui, pour elle, avait été inoubliable. O mon doux prince, je meurs car je suis bien malheureuse. Mais je ne vous dirai pas la raison de mon malheur car si vous l’ignorez, c’est que vous ne pouvez pas la comprendre. Sachez simplement que j’ai fait la promesse de ne pas mourir avant le retour d’un sauveur. Mais il est parti depuis tellement longtemps que plus rien n’a le pouvoir de me maintenir en vie. Je vais mourir bientôt et ce sera une délivrance.
- Jolie sirène, je vous ordonne de ne pas mourir. Laissez-moi une chance de comprendre votre mal. Dites-moi ce qui peut rendre si malheureuse une si belle sirène.
- Adieu, mon doux prince, laissez-moi mourir.
- Ma belle sirène, je vous en prie, ne mourez pas. Tenez, pour vous encourager à vivre, je vais vous donner une fleur, une très belle fleur que j’ai trouvée sur mon chemin. Je ne savais pas à qui la donner car je pensais que personne ne la méritait. Mais maintenant je suis sûr que cette fleur vous était destinée, qu’elle avait été posée là afin que je vous l’apporte, pour vous obliger à vivre. O ma douce sirène, c’est une fleur de vie que je vous donne car je veux que vous viviez.

Et il donna la fleur enchantée à la sirène…

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6 septembre 2008 6 06 /09 /septembre /2008 08:14
Il trottait dans un pré autour de la montagne quand il vit un gros oiseau qui gisait sur le sol. L’oiseau faisait des efforts pour se relever mais il avait une aile cassée et il ne pouvait plus s’envoler. C’était bien triste de voir un oiseau dans cet état et le cheval vint lui porter secours.

- Oh ! Bel oiseau, lui dit-il. Je vois que tu es gravement blessé. Je ne sais pas recoller les ailes cassées car je ne suis qu’un cheval. Peut-être veux-tu que je te transporte dans un lieu plus sûr ? Car ici tu es à la merci des bêtes féroces qui vont te dévorer.
- Noble cheval noir. Tu peux en effet m’aider. Va vite dans la forêt et rapporte-moi une plante rouge avec une bordure verte dotée de reflets bleutés, dorés et argentés. Tu ne peux pas te tromper, il n’y a qu’une plante qui soit comme je te l’ai décrite. Rapporte-moi très vite cette plante magique car les prédateurs ne vont pas tarder à venir, attirés par l’odeur de ma mort prochaine.

Le cheval s’élança vers la forêt pour trouver la plante. C’était une plante très rare mais comme elle poussait très haut et que le cheval était très grand et courait très vite, il n’eut aucune difficulté à la trouver. Il rapporta la plante à l’oiseau blessé qui la mangea sans attendre. Et soudain l’oiseau se transforma en une belle et majestueuse dame dont le bras cassé pendait vilainement le long du corps.

- Oh ! Mon beau cheval, dit la belle dame. Comme tu es gentil. Je suis une sorcière, une gentille sorcière, et tu m’as sauvé la vie. Un de mes ennemis sorciers, qui est très puissant et très méchant, m’a transformée, au cours d’une querelle idiote, en oiseau et comme je ne suis pas très habile avec des ailes, je suis tombée et une de mes ailes s’est cassée. Ne t’inquiète pas pour mon bras cassé, je peux maintenant aller chercher la plante qui guérit les fractures. Grâce à ton aide j’ai gardé la vie et je suis redevenue une sorcière. Avant de me guérir mon bras, je souhaite que tu profites de mon pouvoir retrouvé. Dis-moi ce que tu veux et je te le donnerai.
- Oh ! Belle et gentille sorcière. Je suis heureux de vous avoir rendu ce service mais je ne veux rien. Je suis venu ici seulement pour cueillir une fleur enchantée. Ma belle sirène se meurt d’amour et je dois lui apporter cette fleur qui la guérira en rendant amoureux l’homme qu’elle aime.
- Noble cheval noir. On dit que cette fleur légendaire pousse tout là-haut sur la montagne mais je ne l’ai jamais vue. Ce qui est sûr c’est que jamais un cheval, même puissant comme tu l’es, ne pourra l’atteindre, car aucun sentier ne monte jusqu’à la cime. Je vais te transformer en un bel oiseau muni de grandes ailes qui te permettront de monter jusqu’au sommet, afin que tu puisses cueillir sans danger la fleur que tu désires tant.

Et le bel étalon noir se transforma en un bel oiseau blanc au plumage d’argent.

Il volait, il volait le bel oiseau blanc. Ses immenses ailes puissantes le menèrent rapidement au sommet de la montagne. Il chercha longtemps la fleur mais, malheureusement, il ne la trouva pas. Partout il chercha, dans les replis de terrain broussailleux, dans les trous des rochers, dans les grottes sombres, dans les crevasses exiguës, dans les entassements de roches écroulées, dans les petits arbres chétifs et dans les grands arbres majestueux, dans les nids d’aigle les plus vertigineux, dans les rivières bouillonnantes et tumultueuses, sous les cascades bruyantes, dans les terriers étroits et malsains. Il risqua plus d’une fois sa vie en pénétrant dans les cachettes les plus dangereuses, en s’enfonçant au fond des rivières les plus profondes, en passant sous les cascades les plus puissantes, en se mêlant aux éboulis de roches les plus instables, en côtoyant les animaux les plus féroces. La fleur était introuvable. Etait-ce une légende ? L’oiseau ne pouvait pas l’admettre car, dans ce cas, il ne pourrait pas tenir sa promesse et cela signifierait la mort de sa belle sirène bien-aimée. Comme il ne voulait pas qu’elle meure, il continua à chercher pendant très longtemps. Tous les animaux de la montagne finirent par le connaître, tous parlaient de lui, de son inlassable et vaine recherche, de son amour éternel, infini et désintéressé pour la sirène, de son courage, de sa persévérance. Nul animal n’ignorait l’objet de sa quête et tous auraient voulu l’aider. Mais personne ne le pouvait car, si tous les animaux connaissaient la légende de la fleur enchantée, aucun ne l’avait vue et aucun n’avait entendu quelqu’un prétendre l’avoir vue.

La rumeur de la quête désespérée de l’oiseau finit par parvenir aux oreilles du génie de la montagne. Ses terres étaient bien troublées par les commentaires circulant sur le bel oiseau qui volait partout et sans trêve. Le génie eut pitié de lui et il le convoqua à sa cour.

- Oiseau, lui dit-il, j’apprends que tu cherches une fleur miraculeuse qui rend amoureux. Je suis désolé de te l’apprendre mais sache que c’est une légende. Cette fleur n’existe pas. Elle n’a jamais existé. Ta quête est donc vaine et tu vas mourir d’épuisement en la cherchant inutilement.
- Noble génie de la montagne, si cette fleur n’existe pas, je vais la créer car je ne peux pas laisser mourir la plus belle, la plus digne et la plus gentille sirène. Je vais continuer ma quête et je suis sûr que, en la cherchant beaucoup et avec toute mon énergie, avec tout mon acharnement, en souhaitant la trouver de tout mon coeur, en ne pensant qu’à elle, cette fleur sortira de terre et  je serai le seul à pouvoir la voir et la cueillir.
- Fidèle oiseau, je ne peux pas t’empêcher de continuer ta folle quête. Va, mais sache que, si tu persistes à poursuivre la mort ainsi, elle ne va pas tarder à t’emporter.

L’oiseau repartit et continua sa quête sans tenir compte des conseils du génie de la montagne et des animaux qu’il rencontrait. Il était épuisé, il ne buvait plus, ne mangeait jamais, volait nuit et jour, dans le noir le plus absolu et dans la clarté la plus aveuglante, sous la pluie glaciale, sous le soleil ardent, sous la neige froide, dans le brouillard épais. Et, un jour, il tomba brutalement sur le sol. Il était désormais trop faible pour se relever et reprendre son vol. Et il mourut. Tous les animaux de la montagne assistèrent à sa fin et ils pleurèrent tous ce brave et fidèle oiseau dont l’amour et la constance avaient provoqué l’affaiblissement du corps mais dont l’âme était restée forte jusqu’au bout. Cet oiseau qui ne s’était jamais découragé devant l’impossible. Cet oiseau qui, après sa mort, allait devenir une nouvelle légende de la montagne. Cet oiseau qui, quelques jours plus tard, avait complètement disparu, dévoré par les nuées d’insectes affamés.

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6 septembre 2008 6 06 /09 /septembre /2008 08:12

- Mon gentil lapin, comme tu le vois, je suis bien malade. Je vais mourir, si tu ne m’aides pas. Je suis désolée de te demander un tel service mais je n’ai personne d’autre que toi et ma mort est tellement proche que je la sens venir. Elle est déjà dans mes os, dans mon cœur. Mon âme s’échappe de mon corps et je ne puis rien y faire. Rien ne t’oblige à m’aider mais je t’en serai éternellement reconnaissante.
- Madame, je suis prêt à vous servir, si vous me dites ce que je dois faire. Je ne suis qu’un petit lapin un peu malingre et très fatigué. Si, malgré mes faiblesses, je peux vous aider à vivre, je suis décidé à faire tout ce qui est en mon pouvoir.
- Mon lapin, va vite dans la forêt et cherche une plante dont les feuilles vertes ont une bordure rouge avec des reflets bleutés, dorés et argentés. Tu ne peux pas te tromper, il n’y a qu’une plante qui ressemble à cette description. Quand tu l’auras trouvée, apporte-la moi et je te dirai comment préparer la potion pour me guérir. Va et reviens vite car je n’ai plus beaucoup de force et la mort va bientôt m’emporter.

Le lapin courut dans la forêt et chercha la plante miraculeuse. C’était une plante très rare mais comme elle poussait au ras du sol et que le lapin était tout petit et courait très vite, il n’eut aucune difficulté à la trouver. Il l’apporta à la vieille dame qui lui donna la recette magique pour faire la potion. Il eut beaucoup de mal à réussir la préparation car il n’était qu’un lapin pas très habile de ses quatre pattes, mais il finit par obtenir une potion dont l’aspect et l’odeur révélaient clairement le puissant pouvoir magique. La vieille dame but la potion bouillonnante et, quelques minutes plus tard, elle se transforma en une belle et majestueuse dame.

- Mon lapin, je suis contente de toi. Tu es un bien charmant lapin. Vois-tu, je suis une sorcière. Oh ! Ne t’inquiète pas, je ne suis pas une méchante sorcière. Je suis une gentille sorcière mais je suis très vieille et j’ai besoin de boire souvent de la potion que tu m’as préparée pour retrouver ma jeunesse et ma beauté. Je dois t’avouer que je n’ai pas été prudente et j’ai oublié de préparer cette potion à l’avance. Je me suis donc retrouvée tout à coup trop faible pour me lever et aller chercher la plante magique. C’est ainsi que tu m’as rencontrée toute flétrie et prête à mourir. Je te dois la vie et, pour le service que tu m’as rendu, je veux te prouver ma reconnaissance. Que veux-tu ? Que souhaites-tu ?
- Madame la gentille sorcière, je ne veux rien. Je n’ai pas fait cela pour être récompensé. Je dois sauver une sirène qui se meurt d’amour pour un homme et je vais chercher sur la haute montagne la fleur qui le rendra amoureux. Je ne veux rien d’autre que trouver cette fleur et revenir avant que la sirène ne se soit éteinte pour toujours.
- Mon lapin, je n’ai pas le pouvoir de te donner cette légendaire fleur que je n’ai jamais vue. Mais je peux faire quelque chose pour toi. Je vais te transformer en un bel étalon bondissant. Ainsi, avec de grandes jambes et de puissants muscles, tu parviendras plus vite au pied de la haute montagne. Sors de cette hutte, mon brave lapin, et tu deviendras un beau cheval noir.

Le lapin sortit de la hutte et fut transformé instantanément en un magnifique cheval bondissant, piaffant et hennissant. Sa belle robe noire brillait sous les rayons du soleil. Le petit lapin chétif, devenu un puissant cheval de race, se sentit tout bizarre. Il voyait maintenant les choses de très haut. Il partit en galopant et il fut heureux de constater qu’il maîtrisait parfaitement tous ses puissants muscles. Il se sentait tellement fort qu’il pensait que désormais il n’aurait plus jamais peur ni des chasseurs ni des prédateurs. Et il prit rapidement la direction de la haute montagne.

Il courait, il courait le cheval. Il ne fit aucune halte pendant des jours et des jours. Il était épuisé lorsqu’il atteignit enfin la montagne. Il s’arrêta un bref instant pour boire un peu d’eau fraîche à la source qui coulait des pentes rocheuses et il en profita pour se reposer un peu avant d’entamer l’ascension de la montagne. Elle s’élevait très haut vers le ciel et il ne pouvait même pas en voir la cime car elle était perdue dans les nuages. Lorsque le cheval se sentit bien reposé, il commença à gravir les flancs abrupts et dangereux. Mais après plusieurs heures d’escalade, il n’avait que très peu progressé et il se rendit compte qu’il ne pouvait pas monter plus haut. La pente était trop forte et, même pour un puissant cheval, l’ascension était devenue impossible. Il redescendit les quelques mètres qu’il avait difficilement gravis et commença à faire le tour de la montagne en espérant trouver un sentier qui le conduirait vers le sommet.

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6 septembre 2008 6 06 /09 /septembre /2008 08:11

La siréne et le lapin

Il était une fois un petit lapin qui gambadait gaiement dans la prairie, en grignotant de temps en temps quelques brins d’herbe savoureux. Une chantonnante rivière faisait couler son eau claire où se baignaient paisiblement les poissons, les canards et les cygnes. Le lapin ne pensait à rien, il était heureux d’être là sous le chaud soleil, il était heureux de manger de la bonne herbe tendre, il était heureux d’entendre le bruit rassurant de la rivière. Les papillons voletaient autour des fleurs multicolores et se posaient parfois sur la queue du sympathique lapin. Les abeilles bourdonnaient fébrilement dans les airs et butinaient de bon appétit le succulent nectar. Les hirondelles traversaient le ciel à vive allure et se précipitaient joyeusement vers le sol en frôlant les herbes. C’était le paradis, mais le lapin n’en savait rien car il ne connaissait pas encore l’enfer.

Soudain un coup de feu retentit au loin. Le lapin, craignant pour sa vie, s’immobilisa. Quelle était l’origine de ce bruit assourdissant et inquiétant ? Il tourna la tête à droite et à gauche, mais il fut incapable d’identifier la provenance du bruit. De toute façon il ne pouvait pas se réfugier dans son terrier car, ignorant jusqu’à maintenant les dangers de la prairie, il s’en était trop éloigné. Un autre coup de feu. En tremblant, le lapin courut vers la rivière et attendit un peu sur le bord en se cachant derrière les petits brins d’herbe. Il y eut encore un coup de feu, plus proche que le précédent, et le lapin ressentit un violent choc près de lui et la terre gicla dans ses yeux. Le pauvre lapin ne sachant que faire et se croyant perdu, se jeta dans la rivière.

Malheureusement il ne savait pas nager et son corps fut rapidement emporté au fond de l’eau. Il allait se noyer. L’eau entrait dans ses poumons, il commençait à suffoquer douloureusement et il allait mourir, quand une main providentielle le saisit par la queue et le sortit doucement de l’eau. Tout surpris d’être encore vivant, le lapin se tourna vers le sauveur qui le maintenait toujours par la queue et il vit une magnifique sirène.

 

La jolie sirène déposa délicatement le lapin sur la rive et vint se coucher à côté de lui pour faire sécher ses belles écailles luisantes sous les doux rayons du soleil. Elle était si belle, si gracieuse, si envoûtante que le lapin tomba immédiatement amoureux. Il savait pourtant que c’était un amour impossible. Jamais une si belle sirène ne pourrait aimer un si frêle lapin. Mais il ne pouvait pas s’empêcher de l’adorer. Elle était si naturelle, si divine, si douce.

Cependant, la belle sirène semblait très triste. Le lapin eut l’impression que des larmes, mêlées à l’eau de la rivière, coulaient de ses yeux mais il n’osa pas lui en parler tout de suite. En effet les poumons du lapin étaient encore remplis d’eau et il ne savait pas comment l’évacuer sans vulgarité devant une si délicate personne. En plus, il était trop ému par le mélange de beauté et de tristesse de la sirène.

Après avoir réussi, en toussant majestueusement, à recracher la grande quantité d’eau qui le rendait muet,  il parla à la sirène.

- Jolie madame, pourquoi pleurez-vous ? Vous venez de me sauver la vie et je suis tout triste de vous voir ainsi pleurer. Je suis prêt à tout pour vous consoler et, qui sait, peut-être pourrais-je vous faire rire. Mais je ne sais pas l’origine de votre tristesse. Laissez-moi vous aider, dites-moi ce qui vous afflige tant.
- Monsieur le lapin, je suis en effet bien triste, mais la pudeur ne me permet pas de vous en confier la raison. Pardonnez-moi, monsieur le lapin, de ne rien vous dire. De toute façon vous ne pouvez pas m’aider. Je vais mourir de chagrin en emportant mon secret avec moi.
- Madame la sirène, dites-moi tout, je vous en prie. Vous êtes ma sauveuse et je veux être votre sauveur. Je ne pourrais pas vivre après vous avoir vu mourir de chagrin. En me taisant votre secret, vous seriez responsable de votre mort mais aussi de la mienne. Ainsi, après m’avoir sauvé, vous deviendriez ma meurtrière. Dites-moi pourquoi vous êtes si triste et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous rendre la gaîté et l’insouciance. J’aimerais tellement vous voir rire, chanter, danser.
- Monsieur le lapin, dit la sirène en rougissant, je vais vous dire la raison de mon chagrin mais, je vous en prie, ne vous moquez pas de moi. J’ai bien honte de ce que je vais vous confier.
- Jamais je ne me moquerais de vous, madame la sirène. Et je sais que vous n’avez que de nobles pensées dont vous n’avez pas à rougir. Je ne puis douter que votre âme soit parfaitement pure et je ne vous crois capable d’accomplir que des actes innocents.
- Monsieur le lapin, continua-t-elle en rougissant encore davantage, je suis amoureuse. Infiniment amoureuse. Désespérément amoureuse. Et ma tristesse vient de l’objet même de mon amour. J’aime un homme. Oh ! Que j’ai honte de vous parler ainsi…
- Pourquoi avoir honte d’aimer un homme ? demanda le lapin dont l’amour croissait chaque fois qu’un délicieux son sortait de la bouche de la sirène.
- J’ai honte, car mon bien-aimé est un homme et je ne suis qu’une sirène. Une bien vilaine sirène. Une misérable sirène. Mon corps est couvert d’écailles repoussantes que je ne puis presser contre la puissante poitrine de l’homme que je désire. Je voudrais avoir de jolies jambes pour gambader à ses côtés, pour le saluer galamment, pour le poursuivre et être poursuivie par lui dans la prairie au cours de nos jeux amoureux. Mais je n’ai que de vulgaires nageoires faites pour nager dans l’eau noire de la rivière. Vous voyez bien que je ne puis l’aimer. L’union entre une sirène et un homme est impossible et je vais en mourir.
- Ma belle sirène, dit le lapin de plus en plus ému devant tant de grâce et d’innocence, je vous promets de vous aider. J’ai entendu parler d’une fleur qui pousse sur une montagne très loin d’ici. On raconte que cette fleur est si admirable que personne ne peut échapper à l’attrait de son charme et de son éclat. Toute femme portant cette fleur provoque immédiatement, chez l’homme qu’elle aime, un amour éternel. Je pense que ce miracle se produit également avec les sirènes... Je vais aller chercher cette fleur et je vous la rapporterai. Votre bien-aimé verra en vous tellement de beauté qu’il en oubliera vos délicieux et sublimes défauts. Je vous en prie, ma belle sirène, ne mourrez pas avant mon retour car sinon mon voyage aura été vain et, en plus, je mourrai de vous avoir laissé mourir. Je pars immédiatement à la recherche de cette fleur enchantée et je veux que vous me promettiez de m’attendre.
- Monsieur le lapin, répondit la sirène un peu consolée mais pas tout à fait convaincue, je vous promets de vous attendre mais revenez vite car la tristesse risque d’être plus forte que ma volonté et je crains de ne pas pouvoir tenir ma promesse très longtemps.

Le lapin partit rapidement vers cette haute montagne qu’il ne connaissait que par la rumeur. Là-haut poussait, il l’espérait, cette merveilleuse fleur, le seul remède pour sauver sa belle sirène de la mélancolie. Il savait que cette fleur, s’il la trouvait, lui ferait perdre à tout jamais la merveilleuse sirène, mais son amour n’était pas égoïste et il ne voulait que le bonheur de sa bien-aimée. Il évita de traverser les chemins et les prairies où sévissaient ces abominables chasseurs qui ne pensaient qu’à tuer, alors que lui ne pensait qu’à secourir.

Il courait, il courait le lapin. Pressé de trouver la fleur magique, il ne fit pas de halte pendant plusieurs jours et il était très fatigué quand, sur un chemin, il vit une hutte misérable. Il n’avait pas le temps de se creuser un terrier et il se réfugia dans la hutte pour se reposer. Il pensait que cet abri était bien trop miteux pour abriter quelqu’un mais, en entrant, il fut surpris de constater qu’il était occupé par une très vieille femme. Un peu craintif, il s’approcha d’elle et vit qu’elle était malade. Elle ne fit aucun geste pour l’effrayer et le lapin, confiant, lui demanda timidement s’il pouvait l’aider.

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6 septembre 2008 6 06 /09 /septembre /2008 07:54

La robe de seconde main :

Une jeune femme faisant ses emplettes voit une robe magnifique dans un magasin de seconde main. La vendeuse lui affirma que cette robe n'avait été portée qu'une seule fois et que c'était une occasion à saisir.

La jeune femme, après avoir mis cette robe lors d'une soirée, frôla la mort. L'hôpital qui l'avait admise fit analyser la robe et se rendit compte qu'elle était imprégnée de formol. Après une enquête, on sût que la robe n'avait effectivement été portée qu'une seule fois, mais lors d'une veillée funèbre, et par une femme décédée.



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Légende

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1 septembre 2008 1 01 /09 /septembre /2008 11:13

La Bergère et le Ramoneur.

 

As-tu jamais vu une très vieille armoire de bois noircie par le temps et sculptée de fioritures et de feuillages? Dans un salon, il y en avait une de cette espèce, héritée d'une aïeule, ornée de haut en bas de roses, de tulipes et des plus étranges volutes entremêlées de têtes de cerfs aux grands bois. Au beau milieu de l'armoire se découpait un homme entier, tout à fait grotesque ; on ne pouvait vraiment pas dire qu'il riait, il grimaçait; il avait des pattes de bouc, des cornes sur le front et une longue barbe. Les enfants de la maison l'appelaient le «sergentmajorgénéralcommandantenchefauxpiedsdebouc » .
Evidemment, peu de gens portent un tel titre et il est assez long à prononcer, mais il est rare aussi d'être sculpté sur une armoire.
Quoi qu'il en soit, il était là! Il regardait constamment la table placée sous la glace car sur cette table se tenait une ravissante petite bergère en porcelaine, portant des souliers d'or, une robe coquettement retroussée par une rose rouge, un chapeau doré et sa houlette de bergère. Elle était délicieuse! Tout près d'elle, se tenait un petit ramoneur, noir comme du charbon, lui aussi en porcelaine. Il était aussi propre et soigné que quiconque ; il représentait un ramoneur, voilà tout, mais le fabricant de porcelaine aurait aussi bien pu faire de lui un prince, c'était tout comme.
Il portait tout gentiment son échelle, son visage était rose et blanc comme celui d'une petite fille, ce qui était une erreur, car pour la vraisemblance il aurait pu être un peu noir aussi de visage. On l'avait posé à côté de la bergère, et puisqu'il en était ainsi, ils s'étaient fiancés, ils se convenaient, jeunes tous les deux, de même porcelaine et également fragiles.
Tout près d'eux et bien plus grand, était assis un vieux Chinois en porcelaine qui pouvait hocher de la tête. Il disait qu'il était le grand-père de la petite bergère ; il prétendait même avoir autorité sur elle, c'est pourquoi il inclinait la tête vers le
« sergentmajorgénéralcommandantenchefauxpiedsdebouc» qui avait demandé la main de la bergère.
- Tu auras là, dit le vieux Chinois, un mari qu'on croirait presque fait de bois d'acajou, qui peut te donner un titre ronflant, qui possède toute l'argenterie de l'armoire, sans compter ce qu'il garde dans des cachettes mystérieuses.
- Je ne veux pas du tout aller dans la sombre armoire, protesta la petite bergère, je me suis laissé dire qu'il y avait là-dedans onze femmes en porcelaine!
- Eh bien! tu seras la douzième. Cette nuit, quand la vieille armoire se mettra à craquer, vous vous marierez, aussi vrai que je suis Chinois. Et il s'endormit.
La petite bergère pleurait, elle regardait le ramoneur de porcelaine, le chéri de son cœur.
- Je crois, dit-elle, que je vais te demander de partir avec moi dans le vaste monde. Nous ne pouvons plus rester ici.
- Je veux tout ce que tu veux, répondit-il; partons immédiatement, je pense que mon métier me permettra de te nourrir.
- Je voudrais déjà que nous soyons sains et saufs au bas de la table, dit-elle, je ne serai heureuse que quand nous serons partis.
Il la consola de son mieux et lui montra où elle devait poser son petit pied sur les feuillages sculptés longeant les pieds de la table; son échelle les aida du reste beaucoup.
Mais quand ils furent sur le parquet et qu'ils levèrent les yeux vers l'armoire, ils y virent une terrible agitation. Les cerfs avançaient la tête, dressaient leurs bois et tournaient le cou, le «sergentmajorgénéralcommandantenchefauxpiedsdebouc» bondit et cria :
- Ils se sauvent ! Ils se sauvent !
Effrayés, les jeunes gens sautèrent rapidement dans le tiroir du bas de l'armoire. Il y avait là quatre jeux de cartes incomplets et un petit théâtre de poupées, monté tant bien que mal. On y jouait la comédie, les dames de carreau et de cœur, de trèfle et de pique, assises au premier rang, s'éventaient avec leurs tulipes, les valets se tenaient debout derrière elles et montraient qu'ils avaient une tête en haut et une en bas, comme il sied quand on est une carte à jouer. La comédie racontait l'histoire de deux amoureux qui ne pouvaient pas être l'un à l'autre. La bergère en pleurait, c'était un peu sa propre histoire.
- Je ne peux pas le supporter, dit-elle, sortons de ce tiroir.
Mais dès qu'ils furent à nouveau sur le parquet, levant les yeux vers la table, ils aperçurent le vieux Chinois réveillé qui vacillait de tout son corps. Il s'effondra comme une masse sur le parquet.
- Voilà le vieux Chinois qui arrive, cria la petite bergère, et elle était si contrariée qu'elle tomba sur ses jolis genoux de porcelaine.
- Une idée me vient, dit le ramoneur. Si nous grimpions dans cette grande potiche qui est là dans le coin nous serions couchés sur les roses et la lavande y et pourrions lui jeter du sel dans les yeux quand il approcherait.
- Cela ne va pas, dit la petite. Je sais que le vieux Chinois et la potiche ont été fiancés, il en reste toujours un peu de sympathie. Non, il n'y a rien d'autre à faire pour nous que de nous sauver dans le vaste monde.
- As-tu vraiment le courage de partir avec moi, as-tu réfléchi combien le monde est grand, et que nous ne pourrons jamais revenir ?
- J'y ai pensé, répondit-elle.
Alors, le ramoneur la regarda droit dans les yeux et dit :
- Mon chemin passe par la cheminée, as-tu le courage de grimper avec moi à travers le poêle, d'abord, le foyer, puis le tuyau où il fait nuit noire ? Après le poële, nous devons passer dans la cheminée elle-même ; à partir de là, je m'y entends, nous monterons si haut qu'ils ne pourront pas nous atteindre, et tout en haut, il y a un trou qui ouvre sur le monde.
Il la conduisit à la porte du poêle.
- Oh ! que c'est noir, dit-elle.
Mais elle le suivit à travers le foyer et le tuyau noirs comme la nuit.
- Nous voici dans la cheminée, cria le garçon. Vois, vois, là-haut brille la plus belle étoile.
Et c'était vrai, cette étoile semblait leur indiquer le chemin. Ils grimpaient et rampaient. Quelle affreuse route ! Mais il la soutenait et l'aidait, il lui montrait les bons endroits où appuyer ses fins petits pieds, et ils arrivèrent tout en haut de la cheminée, où ils s'assirent épuisés. Il y avait de quoi.
Au-dessus d'eux, le ciel et toutes ses étoiles, en dessous, les toits de la ville ; ils regardaient au loin, apercevant le monde. Jamais la bergère ne l'aurait imaginé ainsi. Elle appuya sa petite tête sur la poitrine du ramoneur et se mit à sangloter si fort que l'or qui garnissait sa ceinture craquait et tombait en morceaux.
- C'est trop, gémit-elle, je ne peux pas le supporter. Le monde est trop grand. Que ne suis-je encore sur la petite table devant la glace, je ne serai heureuse que lorsque j'y serai retournée. Tu peux bien me ramener à la maison, si tu m'aimes un peu.
Le ramoneur lui parla raison, lui fit souvenir du vieux Chinois, du « sergentmajor- généralcommandantenchefauxpiedsdebouc», mais elle pleurait de plus en plus fort, elle embrassait son petit ramoneur chéri, de sorte qu'il n'y avait rien d'autre à faire que de lui obéir, bien qu'elle eût grand tort.
Alors ils rampèrent de nouveau avec beaucoup de peine pour descendre à travers la cheminée, le tuyau et le foyer ; ce n'était pas du tout agréable. Arrivés dans le poêle sombre, ils prêtèrent l'oreille à ce qui se passait dans le salon. Tout y était silencieux ; alors ils passèrent la tête et... horreur ! Au milieu du parquet gisait le vieux Chinois, tombé en voulant les poursuivre et cassé en trois morceaux ; il n'avait plus de dos et sa tête avait roulé dans un coin. Le sergent-major général se tenait là où il avait toujours été, méditatif.
- C'est affreux, murmura la petite bergère, le vieux grand-père est cassé et c'est de notre faute ; je n'y survivrai pas. Et, de désespoir, elle tordait ses jolies petites mains.
- On peut très bien le requinquer, affirma le ramoneur. Il n'y a qu'à le recoller, ne sois pas si désolée. Si on lui colle le dos et si on lui met une patte de soutien dans la nuque, il sera comme neuf et tout prêt à nous dire de nouveau des choses désagréables.
- Tu crois vraiment ?
Ils regrimpèrent sur la table où ils étaient primitivement.
- Nous voilà bien avancés, dit le ramoneur, nous aurions pu nous éviter le dérangement.
- Pourvu qu'on puisse recoller le grand-père. Crois-tu que cela coûterait très cher ? dit-elle.
La famille fit mettre de la colle sur le dos du Chinois et un lien à son cou, et il fut comme neuf, mais il ne pouvait plus hocher la tête.
- Que vous êtes devenu hautain depuis que vous avez été cassé, dit le «sergent- majorgénéralcommandantenchefauxpiedsdebouc ». Il n'y a pas là de quoi être fier. Aurai-je ou n'aurai-pas ma bergère ?
Le ramoneur et la petite bergère jetaient un regard si émouvant vers le vieux Chinois, ils avaient si peur qu'il dise oui de la tête ; mais il ne pouvait plus la remuer. Et comme il lui était très désagréable de raconter à un étranger qu'il était obligé de porter un lien à son cou, les amoureux de porcelaine restèrent l'un près de l'autre, bénissant le pansement du grand-père et cela jusqu'au jour où eux-mêmes furent cassés.

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30 août 2008 6 30 /08 /août /2008 17:40

La légende des cigognes:

Dans l'antique Égypte, la cigogne était sacrée et quiconque l'attaquait était puni de mort. En Grèce, jadis, on appela « loi cigogne » l'édit qui obligeait les enfants à nourrir leurs vieux parents dans la détresse. Aujourd'hui, en Orient et en Alsace, ce respect et cette vénération traditionnels survivent encore. Des légendes racontent que la cigogne est avant tout un porte-bonheur. Lorsqu'une jeune fille voit une cigogne à terre faire quelques pas à sa rencontre, c'est, dit-on, signe de mariage dans l'année.
Une très vieille légende féodale du Bas-Rhin raconte que les cigognes incarnaient la survivance des trépassés et avaient la mission d'aller quérir au fonds du puits l'âme destinée au bébé qui devait venir sur terre. De nos jours, c'est la cigogne qui apporte les bébés....

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22 août 2008 5 22 /08 /août /2008 19:16

La Jacquerie de Champagne (XIV siècle)

LEs deux paysans labouraient le sol avec application. Sans mot dire, ils creusaient les sillons qui, bientôt, recevraient la graine porteuse des futures récoltes.

Il faisait un soleil magnifique, mais l'air était encore vif. Le printemps s'annonçait tôt cette année là. Tout à coup, Rémi, que l'on surnommait «le Briard», parce que ses parents n'étaient point originaires de Landrecourt, mais étaient venus, une quarantaine d'années auparavant, de la région de Meaux, Rémi leva la tête, s'interrompit un instant et murmura:

«J'entends les chiens; la chasse vient de nos côtés.»  

Notre seigneur d'Ambrières entreprend de bien bonne heure ses battues. Pour sûr, il ne restera guère de gibier à l'automne, s'il détruit les couples dès maintenant. 11 ferait mieux, dit Rémi en hochant la tête, de nous protéger contre les bandes ennemies. Ces jeunes seigneurs ne songent qu'à leurs plaisirs.

- Il est poussé, dit-on, par son épouse, mais les vilains comme nous n'ont pas voix au chapitre...

- Comme dirait notre curé, conclut Rémi en reprenant la bêche. N'empêche qu'il finira par ne plus servir à rien de cultiver la terre. Les récoltes sont détruites avant d'être engrangées...

Pendant ce court dialogue, les abois s'étaient rapprochés. L'on entendait maintenant distinctement les cris des chasseurs, le galop des chevaux. Le sol en était ébranlé.

- Ils ont dû débusquer quelque vieux cerf de l'an dernier. La bête va prendre l'eau à la Blaise. Les voilà qui débouchent.

Les deux hommes aperçurent effectivement une troupe de cavaliers qui dévalait vers la rivière. Le bruit augmenta encore, puis s'atténua. Les chasseurs avaient passé le gué.

Rémi et son compagnon reprirent leur besogne. La chasse s'éloignait. Cependant, un instant plus tard, le galop d'un cheval se fit encore entendre.

- Quelque chasseur attardé...

Il avait à peine murmuré ces mots que des cris perçants leur parvinrent aux oreilles. Les deux laboureurs se regardèrent.

-il a manqué le gué... Il ou elle, car c'est une femme qui appelle.

Tous deux se précipitèrent. En quelques minutes ils eurent atteint l'endroit d'où partaient les cris. Au milieu de la Blaise, un cheval, visiblement désarçonné, tournoyait dans le courant qui l'emportait. Une jeune cavalière s'efforçait non sans peine de le maintenir, mais ne parvenait pas à calmer la bête.

- Tenez bon, cria Rémi, nous arrivons.

Et, se jetant à l'eau, il parvint en quelques brasses à saisir les rênes de la monture, à la calmer et à la conduire jusqu'au gué que les chasseurs avaient franchi auparavant. Ils gagnaient bientôt la terre ferme.

Alors seulement, Rémi regarda la cavalière qui hale­tait encore d'émotion. Il reconnut avec surprise la dame d'Ambriéres, l'épouse de son suzerain. Jamais il ne l'avait contemplée d'aussi près.

Celle-ci était tout honteuse d'avoir été vue par de si misérables laboureurs en si fâcheuse posture.

- Vous m'avez sauvée, leur dit-elle pourtant. Merci, bonnes gens. Et partagez-vous cette bourse pour vous récompenser.

-Dame, dit Rémi, nous ne sauvons pas un chré­tien pour quelques écus. Reprenez votre bourse et dites à Messire d'Ambrières, notre redouté seigneur, que nous ne demandons rien de plus que justice et protection pour ses tenanciers qui sont las de souffrir en silence. Étonnée de cette réponse et de ce refus, Germaine d'Ambrières regarda le paysan, secoua ses boucles toutes mouillées et piqua devant elle sans ajouter un mot, et en laissant à terre la bourse dédaignée.

Lentement, les villageois sortaient de l'église, Ils s'assemblaient sur la place autour de la grosse pierre sur laquelle montait le procureur de la fabrique pour procéder aux annonces.

Celui-ci venait d'apparaître, grave et solennel, tout important et fier de la charge qui lui était confiée et que lui valait sa science: il savait en effet lire, écrire et passablement compter. Ils n'étaient pas dix dans le village, en dehors du curé et du notaire, à en pouvoir dire autant.

Le procureur s'approcha de la pierre, se hissa dessus non sans peine car il n'était point agile, et déroula son parchemin. Tous les paysans se pressèrent et firent silence.

J'ai . reçu, dit l'orateur, un mandement de Mon­seigneur d'Ambrières. Je vais vous en donner lecture: « A tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut.

 Nous, Guillaume d'Ambrières, baron de Saint­ Dizier, Sapignicourt et autres lieux, faisons savoir à tous manants, tenanciers et vassaux de notre terre, qu'à la requête de notre très haut et très puissant souverain, le Roi notre Sire, et en raison des guerres très rudes qu'il soutient contre son cousin ,le Roi d'Angleterre, il nous est ordonné de verser à Sa  Majesté une somme non petite. En conséquence, et  pour fournir cette aide, nous vous mandons et, par ces présentes, commandons de doubler, pour cette année seulement, toutes les tailles, crues et autres  redevances que vous avez accoutumé de nous verser. Notre prévôt veillera au paiement de ces redevances.  Et pour que nul n'en ignore, sera le présent mandement lu, dans toutes nos paroisses à l'issue de la grand'messe paroissiale. -- Donné à Ambrières, le lundi après la fête des Saints Apôtres Jacques et Philippe, l'an de grâce que l'on dit mil trois cent cinquante et huit, et scellé du sceau dont nous nous servons.»

Un long murmure éclata dès que le procureur eut achevé sa lecture.

-- Doubler les tailles ! Notre suzerain plaisante. Elles avaient été déjà doublées l'an passé. Nous n'avons plus un sol vaillant.

-Oublie-t-il donc que des bandes d'Anglais sont passées par chez nous, et ont ravagé nos villages? On ne nous a rien laissé.

- Pour cette année seulement ! On connaît la chan­son. On nous l'avait déjà dit l'an dernier.

- Et l'on ne peut plus rien vendre. Les foires sont arrêtées. Les bourgeois des villes s'enferment dans leurs murailles par crainte de l'Anglais. Les seigneurs s'enferment dans leurs forts châteaux. Et nous, les gens du plat pays, nous supportons déjà tout le poids de la guerre.

- On ne peut plus payer ! - On ne veut plus payer !

Qui avait proféré ce mot lourd de menaces? On ne sait, mais d'un cri unanime, tous répétèrent: «On ne veut plus payer!»

-Il faut faire connaître notre détresse au seigneur. Envoyons-lui des délégués...

La proposition remporta un vif succès. Trois ou quatre agriculteurs furent désignés. Rémi le Briard était parmi eux. Il passait pour un des meilleurs, un des plus sérieux et des plus hardis. II fut convenu que la délégation se présenterait dans le cours de la semaine au château et rendrait compte de sa mission le dimanche suivant.

Las, une semaine plus tard, les délégués n'avaient pas fière mine. Le premier, Rémi, prit la parole:

- Mes compères, nous n'avons pas reçu bon accueil... Monseigneur d'Ambrières a daigné à peine nous écouter. Il nous a brutalement refusé toute remise et nous a fait menacer par son prévôt de graves châti­ments si nous ne versions pas nos redevances jusqu'à la dernière obole.

- Et comment faire? fit rudement un solide gail­lard qui n'avait jamais rien dit. Les seigneurs sont trop exigeants. Est-ce de notre faute à nous si la guerre ravage le plat pays? Loin de nous protéger, ils rançonnent nos terres, ils vivent à nos dépens. Ils ont exigé des sommes énormes pour fortifier leurs châ­teaux et maintenant, ils nous abandonnent! Le Roi, notre Sire, est prisonnier des Anglais. Le dauphin, son fils, lutte vainement. En voilà assez. C'est à nous, les paysans, à prendre l'autorité et le commande -    

ment. Nous sommes las d'être ainsi maltraités.

- C'est vrai, dit un autre. Imitons nos voisins du Beauvaisis et du pays de Laon. Ils ont choisi un chef. Il paraît qu'il a nom Guillaume Karle. Ils occupent les villes. Ils se sont même emparé de châteaux. Allons, les gens de Champagne: montrons-leur que nous pouvons en faire autant.

Toute l'assemblée approuva ce discours. On décida d'envoyer des messagers dans toutes les paroisses en­vironnantes. Partout, l'annonce de la révolte fut accueillie avec enthousiasme. II faut dire que le mou­vement était général dans toute la contrée  les pay­sans étaient trop malheureux.

La date du soulèvement fut fixée, un plan de com­bat établi. Des chefs furent désignés par villages ou par seigneuries. Naturellement, pour celle d'Am­brières, Rémi le Briard fut choisi.

Il avait été convenu que les bandes marcheraient d'abord sur la petite ville de Saint-Dizier.

-- Tue, tue, pille, pille ! Par saint René, compères, la place est nôtre !

 

Les jacques attaquent la citadelle de Meaux ( miniature du XV siècle BNF Paris)

Les hurlements des paysans se mêlaient aux cris d'effroi des femmes et des enfants. La surprise avait été complète. La ville de Saint-Dizier avait été enlevée d'assaut par les « Jacques» - c'est ainsi qu'on com­mençait â les désigner du prénom de leur chef suprême  avant même que les archers royaux aient eu le temps d'esquisser un geste de défense. La plupart d'entre eux avaient été emmenés prisonniers. Ceux qui avaient voulu résister étaient pendus. Et déjà le prévôt de la ville  celui-là même qui devait exiger le paiement des tailles  se balançait au gibet de la cité.

Les paysans vainqueurs et tout exaltés par leur vic­toire se répandaient à travers les rues en réclamant â boire et à manger. Le premier moment d'effroi passé, ménagères et bourgeoises s'empressaient de leur don­ner satisfaction. L'on sortait des tables que l'on posait sur des tréteaux, au milieu des rues. On mettait en perce les tonneaux et, déjà, le vin de Champagne cou­lait à flots.

Mais les chefs prenaient bien soin de garder tête froide et intervenaient bientôt pour empêcher les hommes de se livrer à quelque immense beuverie qui eût compromis le succès. Aussi bien, la prise de la petite ville de Saint-Dizier ne constituait-elle qu'un exploit facile. Les véritables difficultés allaient main­tenant surgir.

 

Les jacques massacrent un chevalier ( miniature de XV siècle BNF Paris)

Car on pense bien que les seigneurs, avertis de ces émeutes, n'allaient pas tarder à réagir. Embusqués derrière les murs de leurs forts châteaux, ils pouvaient défier les assauts, en attendant qu'une occasion leur fournît la revanche.

Il est vrai que des nouvelles encourageantes pour les paysans affluaient de partout. A Senlis, les habi­tants de la ville avaient fait cause commune avec eux. A Saint-Leu-d'Esserend, plusieurs gentilshommes qui avaient voulu résister avaient été massacrés. A Pont ­Sainte-Maxence, des écuyers avaient été jetés dans l'Oise. De tout côté, les « Jacques» apparaissaient comme des vainqueurs redoutables.

Il fallait donc profiter de cet élan et de cette crainte qu'ils inspiraient. Dés le lendemain de leur entrée à Saint-Dizier, Rémi le Briard, dont les avis s'impo­saient à tous, fit décider qu'on irait mettre le siège devant le château d'Ambrières. N'avait-il pas une et même deux revanches à prendre?

Les choses n'allèrent pas aussi aisément. Guillaume d'Ambrières prévoyait l'assaut. Les paysans furent accueillis à coups d'arbalètes. Il s'en fit un grand massacre. Mais ils étaient nombreux et décidés. Ces gens de labour ne constituaient point qu'une cohue mouvante. Beaucoup avaient combattu avec les mi­lices paroissiales. Ils usèrent de précautions et de ruses. Bientôt un petit groupe put atteindre le som­met des courtines de la première enceinte. Précipiter dans la cour intérieure les défenseurs fut l'affaire de quelques instants. Bientôt, le lourd pont-levis s'abais­sait lentement au-dessus des fossés. En une irrésistible ruée, les bandes se précipitèrent dans le château:

« Montjoie ! Montjoie ! tout est nôtre», clamaient les Jacques.

A l'intérieur du donjon, Guillaume d'Ambrières et quelques serviteurs dévoués tenaient encore et fai­saient chèrement payer leur avance aux paysans. De fuir, il n'était plus question. Du moins, le gentil­homme voulait-il mourir en combattant. Cette satis­faction suprême ne lui fut pas donnée. Un groupe, se faufilant par-derrière, parvint jusqu'au seigneur et le précipita par la baie ouverte. Guillaume d'Ambrières s'écrasa lourdement sur le sol aux acclamations et aux hurlements de la foule.

Maintenant c'était le pillage en règle et les violences qui suivent l'assaut victorieux. Les Jacques précipi­taient les meubles par la fenêtre, brisaient ceux qu'ils ne pouvaient transporter, massacraient les derniers défenseurs, houspillaient les servantes et les valets:

« Sortez, sortez ! Nous allons bouter le feu là-de­dans.»

Cependant, soucieux, Rémi le Briard parcourait les hautes salles. Il cherchait quelqu'un. Tout à coup, il s'arrêta devant une lourde porte qu'il poussa douce­ment; à travers la pénombre des vitraux, il aperçut dans l'oratoire où il venait d'entrer, Germaine d'Ambrières qui priait agenouillée. D'un signe impérieux, il lui ordonna de le suivre.

- Vous voulez sans doute, lui dit-elle, me livrer à vos hommes et me faire massacrer, comme ils ont mas­sacré mon époux ?

- Dame, répondit Rémi, ce ton méprisant n'est plus de saison. Je ne viens pas vous chercher pour vous conduire à la mort, mais au contraire afin de vous sauver. Ne me reconnaissez-vous pas?

Surprise, la châtelaine regarda mieux le paysan.

- Ne vous souvenez-vous pas du laboureur qui vous a retirée d'une position difficile, il y a quelques mois, quand vous aviez manqué le gué de la Blaise? Ce laboureur qui avait osé jeter un regard sur sa suze­raine, vous l'aviez humilié en lui jetant une bourse comme un os à un chien. Il est devant vous aujour­d'hui et vous êtes à sa merci.

Germaine d'Ambrières détourna la tête sans ré­pondre.

- Mais les   « Jacques», comme vous les appelez, les «Jacques» ne font pas la guerre aux femmes. Je vous ai déjà sauvée une fois. Dût votre orgueil en souffrir de nouveau, je vous sauverai encore, car mes hommes en ce moment sont déchaînés et je ne sais ce qu'ils vous feraient si je vous abandonnais. Connais­sez-vous dans le village une femme sûre qui puisse vous accueillir et vous prêter quelque accoutrement de paysanne à la faveur duquel vous pourrez vous en­fuir?

-La Meschine, qui demeure prés de l'église, m'a toujours été dévouée.

- Bon, et sans doute pouvons-nous sortir d'ici sans traverser les poternes. Les châteaux de nos sei­gneurs ne seraient pas dignes de ce nom s'ils ne possé­daient quelque souterrain.

- Le souterrain existe ; on le gagne en descendant dans la cave qui est sous cet étage.

- Allons donc, car il n'y a pas de temps à perdre. Précédant Rémi, Germaine s'élança dans l'escalier qui déroulait ses tours, près de l'oratoire. En tâton­nant, elle gagna la cave et se dirigea immédiatement vers un orifice que cachaient des tonneaux. Aidée de son compagnon, elle en démasqua l'entrée. Dans l'ombre, on devinait les premières marches d'un es­calier.

- Allez, Dame, sans retard. Vous êtes sauvée main­tenant. Que Dieu et mon saint patron, Rémi, vous gardent !

-Adieu, Rémi, et... merci !

Le chef des paysans remonta dans la cour. Les paysans se préparaient à mettre le feu au château : - Où donc étais-tu, Rémi ? On te cherchait partout. - Je regardais s'il ne restait plus personne à l'in­térieur du château.

- Sais-tu que l'on n'a pas retrouvé la dame d'Am­brières ?

- Sans doute a-t-elle pu s'échapper au moment où nous nous sommes précipités à l'intérieur de la cour.

 

-Tant pis, elle ne perd rien pour attendre. Allons, viens; il est temps de rassembler les hommes. Déjà ils mettent le feu à ce repaire de nos anciens maîtres. Il faut diriger ailleurs nos pas.

Une épaisse fumée s'élevait en effet des baies. Les paysans avaient bouté le feu aux quatre coins de la citadelle. Une odeur âcre saisissait la gorge.

Les hommes se réunirent et reprirent en bon ordre le chemin du village, laissant derrière eux le château d'Ambrières en feu.

Les bandes étaient massées à perte de vue dans la plaine. Après avoir ainsi pillé et incendié villes et châteaux forts, les Jacques avaient fini par se réunir en une immense armée sous le commandement de Guil­laume Karle. Ils se croyaient invincibles. Et cette conviction les avait poussés à affronter sans crainte les hommes d'armes que Charles le Mauvais, le roi de Navarre, avait envoyés contre eux. Le risque était grand sans doute, mais s'ils étaient vainqueurs, la route de Paris leur était ouverte. Ils pouvaient se joindre aux bourgeois parisiens révoltés à leur tour, et imposer au Dauphin leurs conditions.

Les trompettes retentissant, Guillaume Karle et ses lieutenants, parmi lesquels se distinguait Rémi le Briard, étaient parvenus à mettre un peu d'ordre dans cette cohue mouvante. Leur tactique était primitive. Ils avaient décidé de charger en masses profondes.

Leur nombre devait finir par submerger les soldats du Mauvais.

Ainsi fut-il fait. Mais les soldats de métier avaient pour eux l'expérience et l'armement. Ils laissèrent s'enfoncer les paysans, puis se rabattirent sur les ailes, les enveloppant en un immense mouvement tournant. Affolés de recevoir les flèches de toutes parts, à droite, à gauche, par-derrière même, redoutant d'être pris comme dans une nasse, les paysans commencèrent à se débander.

Dès lors, ce fut pour eux le désastre. Pas de quar­tiers, avait proclamé le roi de Navarre. Tout paysan devait être massacré ou branché sans rémission. Seuls, les chefs seraient épargnés et emmenés captifs. On les réservait pour un supplice plus solennel.

La consigne fut exécutée. Des milliers et des mil­liers de paysans couvrirent bientôt le champ de ba­taille, «tant que le regard ne les pouvait dénombrer». A vingt lieues à la ronde, les hommes d'armes, encou­ragés par les nobles qui avaient bonne vengeance à exercer, brûlèrent les chaumières, torturèrent les Jacques, sans épargner les femmes et les petits en­fants : «  Il y eut plus de maux en ce pays que jamais n'en firent les Vandales et les Sarrasins», dit un chro­niqueur.

Guillaume Karle fut décapité un des premiers. Tous les chefs furent emmenés pour être jugés. Rémi le Briard se trouvait parmi eux.

La tribune avait été montée sur la Grand'Place du Pilori. Elle était très longue, très vaste, et pourtant, bien avant l'heure fixée, elle était entièrement remplie d'une élégante foule de gentilshommes et de dames venus de toute la contrée assister au supplice des chefs de ces maudits Jacques.

En face, sinistre, se dressait l'estrade: douze gibets en quinconce avaient été préparés. Oncques de mé­moire d'homme n'avait-on vu aussi importante exécu­tion.

Depuis le matin, le glas tintait lugubrement au clocher des Cordeliers voisins de la prison, pour les hommes qui allaient mourir. Mais maintenant, le son des cloches était recouvert par le bruit de la foule qui se massait le long des rues afin de voir le long cor­tège des condamnés et leur crier quelque injure au visage. Car ces bourgeois, ces artisans avaient eu grand effroi des paysans. Et maintenant, ils prenaient leur revanche.

A deux heures après-midi, escorté de quelques hom­mes d'armes, Monseigneur le bailli prit place au centre de la tribune. Déjà, le bourreau et ses aides, en robes rouges, s'agitaient sur l'estrade, vérifiaient l'ajuste­ment des poteaux, la solidité des cordes.

Enfin la vieille chartre s'ouvrit lentement. Pré­cédés d'un Cordelier qui tenait devant eux une croix, les douze condamnés apparurent à la file, liés entre eux.

Ils étaient vêtus d'une chemise blanche, pieds nus et corde au cou.

Un à un, ils montèrent sur l'estrade où on les délia. Rémi le Briard était le troisième. Sans paraître entendre les cris et les injures de la foule, il regarda sans trembler les potences, puis tourna les yeux vers la tribune.

Soudain, il eut un frémissement: au premier rang, Germaine d'Ambrières jetait les yeux sur lui. Grave­ment, Rémi la contempla à son tour.

Alors, la châtelaine détourna légèrement la tête, comme si ce muet reproche l'importunait et la blessait. Sans mot dire, Rémi le Briard s'abandonna au bourreau.

 

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22 août 2008 5 22 /08 /août /2008 18:58

LA PETITE POUCETTE

Hans Christian Andersen

Il y avait une fois, une femme qui aurait bien voulu avoir un tout petit enfant, mais elle ne savait pas du tout comment elle pourrait se le procurer; elle alla donc trouver une vieille sorcière, et lui dit :
- J'aurais grande envie d'avoir un petit enfant, ne veux-tu pas me dire où je pourrais m'en procurer un ?
- Si, nous allons bien en venir à bout ! dit la sorcière. Tiens, voilà un grain d'orge, il n'est pas du tout de l'espèce qui pousse dans le champ du paysan, ou qu'on donne à manger aux poules, mets-le dans un pot, et tu verras !
- Merci, dit la femme.
Et elle donna douze shillings à la sorcière, rentra chez elle, planta le grain d'orge, et aussitôt poussa une grande fleur superbe qui ressemblait tout à fait à une tulipe, mais
les pétales se refermaient, serrés comme si elle était encore en bouton.
- C'est une belle fleur, dit la femme.
Et elle l'embrassa sur les beaux pétales rouges et jaunes, mais au moment même de ce baiser, la fleur s'ouvrit avec un grand bruit d'explosion. C'était vraiment une tulipe, ainsi qu'il apparut alors, mais au milieu d'elle, assise sur le siège vert, était une toute petite fille, mignonne et gentille, qui n'était pas plus haute qu'un pouce, et qui, pour cette raison, fut appelée Poucette.
Elle eut pour berceau une coque de noix laquée, des pétales bleus de violettes furent ses matelas, et des pétales de roses son édredon ; c'est là qu'elle dormait la nuit, et le jour elle jouait sur la table, où la femme avait posé une assiette entourée d'une couronne de fleurs dont les tiges trempaient dans l'eau ; un grand pétale de tulipe y flottait, où Poucette pouvait se tenir et naviguer d'un bord à l'autre de l'assiette ; elle avait pour ramer deux crins de cheval blanc. C'était charmant. Et elle savait aussi chanter, et son chant était doux et gentil, tel qu'on n'avait jamais entendu le pareil ici.

Une nuit qu'elle était couchée dans son délicieux lit, arriva une vilaine grenouille qui sauta par la fenêtre ; il y avait un carreau cassé. La grenouille était laide, grosse et mouillée, elle sauta sur la table où Poucette était couchée et dormait sous l'édredon de feuilles de roses rouges.
"Ce serait une femme parfaite pour mon fils !!" se dit la grenouille, et elle s'empara de la coque de noix où Poucette dormait, et, à travers le carreau, sauta dans le jardin avec elle.
Tout près de là coulait un grand et large ruisseau ; mais le bord en était bourbeux et marécageux ; c'est là qu'habitait la grenouille avec son fils. Hou ! lui aussi était laid et vilain, il ressemblait tout à fait à sa mère; koax, koax, brékékékex! c'est tout ce qu'il sut dire quand il vit la jolie fille dans la coque de noix.
- Ne parle pas si haut, tu vas la réveiller ! dit la vieille grenouille, elle pourrait encore nous échapper, car elle est légère comme duvet de cygne; nous la mettrons sur une des larges feuilles de nénuphar, ce sera pour elle, si petite et légère, comme une île ; de là, elle ne pourra pas s'enfuir, pendant que nous préparerons la belle chambre, sous la vase, où vous habiterez.
Dans le ruisseau poussaient beaucoup de nénuphars dont les larges feuilles vertes semblaient flotter à la surface de l'eau ; la feuille la plus éloignée était aussi la plus grande de toutes; c'est là que la vieille grenouille nagea et plaça la coque de noix avec Poucette.
La pauvre petite mignonne se réveilla de très bonne heure le matin, et lorsqu'elle vit où elle était, elle se mit à pleurer amèrement, car il y avait de l'eau de tous les côtés autour de la grande feuille verte, elle ne pouvait pas de tout aller à terre.
La vieille grenouille était au fonde de la vase et ornait la chambre avec des roseaux et des boutons jaunes de nénuphar - il fallait que ce fût tout à fait élégant pour sa nouvelle bru - et avec son vilain fils elle nagea vers la feuille où était Poucette afin de prendre à eux deux le beau lit, et l'installer dans la chambre de l'épousée, avant qu'elle y vînt elle-même. La vieille grenouille s'inclina profondément dans l'eau devant elle et dit :
- Voilà, mon fils, il sera ton mari, et vous aurez un délicieux logement au fond de la vase.
- Koax, koax, brékékékex!
C'est tout ce que le fils put dire.
Et ils prirent le gentil petit lit et partirent avec à la nage, et Poucette resta toute seule et pleura sur la feuille verte, car elle ne voulait pas demeurer chez la vilaine
grenouille, ni avoir son fils si laid pour mari. Les petits poissons qui nageaient dans l'eau avait bien vu la grenouille et entendu ce qu'elle avait dit, et ils sortirent la tête de l'eau ils voulaient voir la petite fille. Aussitôt qu'ils l'eurent vue, ils la trouvèrent charmante, et cela leur fit de la peine qu'elle dût descendre chez la vilaine grenouille. Non, il ne le fallait pas. Ils s'assemblèrent sous l'eau tout autour de la tige qui tenait la feuille, et mordillèrent la tige, si bien que la feuille descendit le cours du ruisseau, emportant Poucette loin, très loin, où la grenouille ne pouvait pas aller.
Poucette navigua, passa devant beaucoup d'endroits, et les petits oiseaux perchés sur les arbustes la voyaient et chantaient : quelle gentille demoiselle! La feuille avec elle, s'éloigna de plus en plus ; c'est ainsi que Poucette partit pour l'étranger.

Un joli petit papillon blanc ne cessait de voler autour d'elle, et finit par se poser sur la feuille, car Poucette lui plaisait, et elle était bien contente, car la grenouille ne pouvait plus l'atteindre, et le lieu où elle naviguait était très agréable; le soleil luisait sur l'eau, c'était comme de l'or magnifique. Et elle défit sa ceinture, en attacha un bout au papillon, et fixa l'autre bout dans la feuille, et ainsi la feuille prit une course beaucoup plus rapide, et elle avec, puisqu'elle était dessus. À ce moment arriva en volant un grand hanneton, il l'aperçut, et aussitôt saisit dans ses pinces la taille grêle de la petit, qu'il emporta dans un arbre, mais la feuille verte continua de descendre le courant, et le papillon de voler avec, car il était attaché à la feuille et ne pouvait pas s'en libérer.
Dieu! comme Poucette fut effrayée lorsque le hanneton s'envola dans l'arbre avec elle, mais surtout elle fut chagrinée pour le beau papillon blanc qu'elle avait attaché à la feuille; s'il ne parvenait pas à se libérer, il allait mourir de faim. Mais c'était bien égal au hanneton. Avec elle il se plaça sur la plus grande feuille verte de l'arbre, lui donna le pollen des fleurs à manger, et lui dit qu'elle était très gentille, bien qu'elle ne ressemblât pas du tout à un hanneton. Ensuite tous les autres hannetons qui habitaient l'arbre vinrent lui rendre visite, ils regardèrent Poucette, et les demoiselles hannetons allongèrent leurs antennes et dirent :
- Elle n'a tout de même que deux pattes, c'est misérable, et elle n'a pas d'antennes !
- Elle a la taille trop mince, fi ! elle ressemble à l'espèce humaine! Qu'elle est laide!
Et pourtant le hanneton qui l'avait prise la trouvait très gentille, mais comme tous les autres disaient qu'elle était vilaine, il finit par le croire aussi, et ne voulut plus l'avoir !
elle pouvait s'en aller où elle voulait. On vola en bas de l'arbre avec elle, et on la posa sur une grande marguerite ; là, elle pleura parce qu'elle était si laide que les hannetons ne voulaient pas d'elle, et elle était pourtant l'être le plus délicieux que l'on put imaginer, délicat et pur comme le plus beau pétale de rose.
La preuve Poucette vécut toute seule tout l'été dans la grande forêt. Elle se tressa un lit de brins d'herbe et l'accrocha sous une grande feuille de patience, en sorte qu'il ne pouvait pleuvoir sur elle ; elle récoltait le pollen des fleurs et s'en nourrissait, et elle buvait la rosée qui était tous les matins sur les feuilles; ainsi passèrent l'été et l'automne, mais vint alors l'hiver, le froid et long hiver. Tous les oiseaux qui lui avaient chanté de belles chansons s'en allèrent, les arbres et les fleurs se fanèrent, la grande feuille de patience sous laquelle elle avait habité se recroquevilla et devint un pédoncule jaune fané, et elle eut terriblement froid, car ses vêtements étaient déchirés, et elle-même était si petite et si frêle, la pauvre Poucette, qu'elle devait mourir de froid. Il se mit à neiger, et chaque flocon de neige qui tombait sur elle était comme un paquet de neige qu'on jetterait sur nous, car nous sommes grands et elle n'avait qu'un pouce. Alors elle s'enveloppa dans une feuille fanée, mais cela ne pouvait pas la réchauffer, elle tremblait de froid.

À l'orée de la forêt, où elle était alors parvenue, s'étendait un grand champ de blé, mais le blé n'y était plus depuis longtemps, seul le chaume sec et nu se dressait sur la terre gelée. C'était pour elle comme une forêt qu'elle parcourait. Oh! comme elle tremblait de froid. Elle arriva ainsi à la porte de la souris des champs. C'était un petit trou au pied des fétus de paille. La souris avait là sa bonne demeure tiède, toute sa chambre pleine de grain, cuisine et salle à manger. La pauvre Poucette se plaça contre la porte, comme toute pauvre mendiante, et demanda un petit morceau de grain d'orge, car depuis deux jours elle n'avait rien eu du tout à manger.
- Pauvre petite, dit la souris, car c'était vraiment une bonne vieille souris des champs, entre dans ma chambre chaude manger avec moi!
Puis, comme Poucette lui plut, elle dit:
- Tu peux bien rester chez moi cet hiver, mais il faudra tenir ma chambre tout à fait propre et me conter des histoires, car je les aime beaucoup.
Et Poucette fit ce que demandait la bonne vieille souris, et vécut parfaitement.
- Nous aurons bientôt une visite, dit la souris des champs, mon voisin a l'habitude de venir me voir tous les jours de la semaine. Il se tient enfermé encore plus que moi, il a de grandes salles et il porte une délicieuse pelisse de velours noir; si tu pouvais l'avoir pour mari, tu n'aurais besoin de rien; mais il ne voit pas clair. Il faudra lui conter les plus belles histoires que tu saches.
Mais Poucette ne se souciait pas d'avoir le voisin, qui était une taupe. Il vint rendre visite dans sa pelisse de velours noir. Il était riche et instruit, dit la souris des champs, son appartement était aussi vingt fois plus grand que celui de la souris, et il était plein de science, mais il ne pouvait supporter le soleil et les belles fleurs, il en disait du mal, car il ne les avait jamais vues. Poucette dut chanter, et elle chanta " Hanneton, vole, vole " et " Le moine va aux champs", et la taupe devint amoureuse d'elle à cause de sa belle voix, mais ne dit rien, car c'était une personne circonspecte.
Elle s'était récemment construit un long corridor dans la terre, de sa demeure à celle de la souris, et elle permit à la souris et a Poucette de s'y promener tant qu'elles voudraient. Mais elle leur di de ne pas avoir peur de l'oiseau mort qui gisait dans le corridor. C'était un oiseau entier avec bec et plumes, qui sûrement était mort depuis peu, au commencement de l'hiver, et avait été enterré juste à l'endroit où elle avait fait son corridor.
La taupe prit dans sa bouche un morceau de mèche, car cela brille comme du feu dans l'obscurité, et elle marcha devant eux et les éclaira dans le long couloir sombre; lorsqu'ils arrivèrent à l'endroit où gisait l'oiseau mort, la taupe dresse en l'air son large nez et heurta le plafond, et cela fit un grand trou par lequel la lumière put briller. Sur le sol gisait une hirondelle morte, ses jolies ailes plaquées contre son corps, les pattes et la tête cachées sous les plumes. Le pauvre oiseau était évidemment mort de froid. Poucette en eut de la peine, elle aimait tant tous les petits oiseaux, qui avaient si joliment chanté et gazouillé pour elle tout l'été, mais la taupe donna un coup de ses courtes pattes à l'hirondelle, et dit :
- Elle ne piaillera plus! ça doit être lamentable de naître petit oiseau. Dieu merci, aucun de mes enfants ne sera ainsi, un oiseau pareil n'a rien d'autre pour lui que son "qvivit", et doit mourir de faim l'hiver!
- Oui, vous pouvez le dire, vous qui êtes prévoyant, dia la souris. Qu'a l'oiseau pour tout son "qvivit", quand vient l'hiver? Il doit avoir faim et geler; mais ce "qvivit" est tout de même une grande chose!
Poucette ne dit rien, mais lorsque les deux autres eurent tourné le dos à l'oiseau, elle se baissa, écarta les plumes qui recouvraient la tête de l'hirondelle, et la baisa sur ses
yeux clos. "C'est peut-être celle qui a si joliment chanté pour moi cet été, se dit-elle, quelle joie il m'a procurée, le bel oiseau!"
Puis la taupe boucha le trou par où le jour luisait, et les dames l'accompagnèrent à sa demeure. Mais la nuit, Poucette ne put dormir, elle e se leva de son lit et tressa une belle couverture de paille dont elle alla envelopper l'oiseau mort, et elle mit du coton moelleux, qu'elle avait trouvé chez la taupe, autour du corps de l'oiseau, afin qu'il put être au chaud dans la terre froide.
-Adieu, beau petit oiseau, dit-elle. Adieu, et merci pour tes délicieux chants de cet été, lorsque tous les arbres étaient verts et que le soleil brillait si chaud au-dessus de nous!
Et elle posa sa tête sur la poitrine de l'oiseau, mais fut aussitôt très effrayée, car il y avait comme des battements à l'intérieur. C'était le coeur de l'oiseau. L'oiseau n'était pas mort, il était engourdi, et la chaleur l'avait réanimé.

À l'automne toutes les hirondelles s'envolent vers les pays chauds, mais il en est qui s'attardent, et elles ont tellement froid qu'elles tombent comme mortes, elles restent où elles sont tombées, et la froide neige les recouvre.
Poucette était toute tremblante de frayeur, car l'oiseau était fort grand, à côté d'elle qui n'avait qu'un pouce, mais elle rassembla son courage, pressa davantage le coton autour de la pauvre hirondelle, et alla chercher une feuille de menthe crépue, qu'elle avait eue elle-même comme couverture, et la passa sur la tête de l'oiseau.
La nuit suivante elle se glissa de nouveau vers lui, et il était alors tout à fait vivant, mais très faible; il ne put ouvrir qu'un instant ses yeux et voir Poucette, qui était là, un morceau de mèche à la main, car elle n'avait pas d'autre lumière.
- Sois remerciée, gentille enfant lui dit l'hirondelle malade, j'ai été délicieusement réchauffé, bientôt j'aurais repris des forces et de nouveau je pourrai voler aux chauds rayons du soleil!
- Oh! dit Poucette, il fait froid dehors, il neige et il gèle, reste dans ton lit chaud, je te soignerai.
Elle apporta de l'eau dans un pétale de fleur à l'hirondelle, qui but et raconta comment elle s'était blessée l'aile à une ronce, et n'avait pas pu voler aussi vite que les autres
hirondelles, qui étaient parties loin, très loin, vers les pays chauds. Elle avait fini par tomber à terre, ensuite elle ne se rappelait plus rien, et ne savait pas du tout comment elle était venue là.
Tout l'hiver elle y restera, et Poucette fut bonne pour elle, et l'aima beaucoup; ni la taupe ni la souris des champs ne s'en doutèrent, car elles ne pouvaient sentir la pauvre malheureuse hirondelle.

Dès que vint le printemps et que le soleil réchauffa la terre, l'hirondelle dit adieu à Poucette, qui ouvrit le trou fait par la taupe au-dessus. Le soleil rayonnait superbe au- dessus d'elles, et l'hirondelle demanda à Poucette si elle ne voulait pas venir avec elle, car elle pourrait se mettre sur son dos, elles s'envoleraient ensemble loin dans la forêt verte. Mais Poucette savait que cela ferait de la peine à la vieille souris des champs, si elle la quittait ainsi.
- Non je ne peux pas, dit Poucette.
- Adieu, adieu, bonne et gentille fille, dit l'hirondelle en s'envolant au soleil.
Poucette la suivit des yeux, et ses yeux se mouillèrent, car elle aimait beaucoup la pauvre hirondelle.
- Qvivit! qvivit! chanta l'oiseau.
Et il s'éloigna dans la forêt verte.
Poucette était triste. Elle n'eut pas la permission de sortir au chaud soleil: le blé, qui était semé sur le champ au-dessus de la maison de la souris, poussa d'ailleurs haut en
l'air, c'était une forêt drue pour la pauvre petite fille qui n'avait qu'un pouce.
- Cet été tu vas coudre ton costume, lui dit la souris, car sa voisine, l'ennuyeuse taupe à la pelisse de velours noir, l'avait demandé en mariage. Tu n'auras de la laine et du linge. Tu auras de quoi t'asseoir et te coucher, quand tu seras la femme de la taupe!
Poucette dut filer à la quenouille, et la souris embaucha quatre araignées pour filer et tisser nuit et jour. Tous les soirs la taupe venait en visite, et parlait toujours de la fin
de l'été, quand le soleil serait beaucoup moins chaud, car pour le moment il brûlait la terre, qui était comme une pierre; quand l'été serait fini auraient lieu les noces avec Poucette; mais la petite n'était pas contente, car elle n'aimait pas du tout l'ennuyeuse taupe. Tous les matins, quand le soleil se levait, et tous les soirs quand il se couchait, elle se glissait dehors à la porte, et si le vent écartait les sommets des tiges, de façon qu'elle pouvait voir le ciel bleu, elle se disait que c'était clair et beau, là dehors, et elle désirait bien vivement revoir sa chère hirondelle; mais elle ne reviendrait jamais, elle volait sûrement très loin dans la forêt verte.

Lorsque l'automne arriva, Poucette eut sa corbeille toute prête.
- Dans quatre semaines ce sera la noce, lui dit la souris.
Et Poucette pleura et dit qu'elle ne voulait pas de l'ennuyeuse taupe.
- Tatata, dit la souris, ne regimbe pas, sans quoi je te mords avec ma dent blanche! C'est un excellent mari que tu auras, la reine elle-même n'a pas une pelisse de velours noir pareille. Il a cuisine et cave. Remercie Dieu de l'avoir.
La noce devait donc avoir lieu. La taupe était venue déjà pour prendre Poucette, qui devait habiter avec son mari au profond de la terre, ne jamais sortir au chaud soleil qu'il ne pouvait pas supporter. La pauvre enfant était tout affligée, elle voulait dire adieu au beau soleil, que du moins, chez la souris, il lui avait été permis de regarder de la porte.
- Adieu, lumineux soleil! dit-elle, les bras tendus en l'air, et elle fit quelques pas hors de la demeure de la souris, car le blé avait été coupé, il ne restait plus que le chaume sec. Adieu, adieu! dit-elle, et elle entoura de ses bras une petite fleur rouge qui était là! Salue de ma part la petite hirondelle, si tu la vois.
- Qvivit! qvivit! dit-on à ce moment au-dessus de sa tête.
Elle regarda en l'air, c'était la petite hirondelle, qui passait justement. Aussitôt qu'elle vit Poucette, elle fut ravie; la fillette lui raconta qu'elle ne voulait pas du tout avoir
pour mari la vilaine taupe, et qu'elle habiterait ainsi au fond de la terre, où le soleil ne brillerait jamais. De cela, elle ne pouvait s'empêcher de pleurer.
- Voilà le froid hiver qui vient, dit la petite hirondelle, je m'envole au loin vers les pays chauds, veux-tu venir avec moi? Tu peux te mettre sur mon dos, tu n'as qu'à t'attacher fortement avec ta ceinture, et nous nous envolerons loin de la vilaine taupe et de sa sombre demeure, bien loin par-dessus les montagnes jusqu'aux pays chauds où le soleil luit, plus beau qu'ici, où c'est toujours l'été avec des fleurs exquises. Viens voler avec moi, chère petite Poucette qui m'a sauvé la vie lorsque je gisais gelée dans le sombre caveau de terre!
- Oui j'irais avec toi, dit Poucette, qui se mit sur le dos de l'oiseau, les pieds sur ses ailes étendues, et attacha fortement sa ceinture à une des plus grosses plumes.
Et ainsi l'hirondelle s'éleva haut dans l'air, au-dessus de la forêt et au-dessus de la mer, haut au-dessus des grandes montagnes toujours couvertes de neige, et Poucette eut froid dans l'air glacé, mais elle se recroquevilla sous les plumes chaudes de l'oiseau, et passa seulement sa petite tête pour voir toute la splendeur étalée sous elle.

Et elles arrivèrent aux pays chauds. Le soleil y brillait, beaucoup plus lumineux qu'ici. Le ciel était deux fois plus élevé, et dans des fossés et sur des haies poussaient de délicieux raisins blancs et bleus. Dans les forêt pendaient des citrons et des oranges, les myrtes et la menthe crépue embaumaient, et sur la route couraient de délicieux enfants qui jouaient avec de grands papillons diaprés. Mais l'hirondelle vola plus loin encore, et ce fut de plus en plus beau. Sous de magnifiques arbres verts au bord de la mer bleue se trouvait un château de marbre d'une blancheur éclatante, fort ancien. Les ceps de vigne enlaçaient les hautes colonnes; tout en haut étaient de nombreux nids d'hirondelle, et dans l'un d'eux habitait celle qui portait Poucette.
- Voilà ma maison, dit l'hirondelle, mais si tu veux te chercher une des superbes fleurs qui poussent en bas, je t'y poserai, et tu seras aussi bien que tu peux le désirer.
- C'est parfait, dit Poucette, et ses petites mains battirent.
Il y avait par terre une grande colonne de marbre blanc qui était tombée et s'était cassée en trois morceaux, entre lesquels poussaient les plus belles fleurs blanches.
L'hirondelle y vola et déposa Poucette sur l'une des larges pétales; mais quelle surprise fut celle de la petite fille! Un petit homme était assis au milieu de la fleur, aussi blanc et transparent que s'il avait été de verre; il avait sur la tête une belle couronne d'or et aux épaules de jolies ailes claires, et il n'était pas plus grand que Poucette. C'était l'ange de la fleur. Dans chaque fleur habitait un pareil ange, homme ou femme, mais celui-là était le roi de tous.
- Oh! qu'il est beau, chuchota Poucette à l'hirondelle.

Le petit prince fut très effrayé par l'hirondelle, car elle était un énorme oiseau à côté de lui, qui était si petit et menu, mais lorsqu'il vit Poucette il fut enchanté, c'était la plus belle fille qu'il eût encore jamais vue. Aussi prit-il sur sa tête sa couronne d'or qu'il plaça sur la sienne, lui demanda comment elle s'appelait et si elle voulait être sa femme, elle serait ainsi la reine de toutes les fleurs! Oh! c'était là un mari bien différent du fils de la grenouille et de la taupe à la pelisse de velours noir. Elle dit donc oui au charmant prince, et de chaque fleur arriva une dame ou un jeune homme, si gentil que c'était un plaisir des yeux; chacun apportait un cadeau à Poucette, mais le meilleur de tous fut une couple de belles ailes d'une grande mouche blanche; elles furent accrochées au dos de Poucette, qui put ainsi voler d'une fleur à l'autre; c'était bien agréable, et la petite hirondelle était là-haut dans son nid et chantait du mieux qu'elle pouvait, mais en son coeur elle était affligée, car elle aimait beaucoup Poucette,et aurait voulu ne jamais s'en séparer.
- Tu ne t'appelleras pas Poucette, lui dit l'ange de la fleur, c'est un vilain nom, et tu es si belle. Nous t'appellerons Maia.
- Adieu, adieu! dit la petite hirondelle, qui s'envola de nouveau, quittant les pays chaud pour aller très loin, jusqu'en Danemark.
C'est là qu'elle avait un nid au-dessus de la fenêtre où habite l'homme qui sait conter des contes, elle lui a chanté son "qvivit, qvivit!" et c'est de là que nous tenons toute l'histoire.

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