Journal paroissial de 1963
"Interview" de Sœur Azélie
-Tout Deuil la barre vous connaît ma sœur et vous vous connaissez tout Deuil la Barre,depuis le temps que vous parcourez nos rues et nos chemins,le vélo à la main et la seringue dans la poche,au fait depuis quand?
SA-Je suis arrivé ici en 1936, ça fait bientôt 28 ans.
-Vous avez gardé un léger accent du Nord………
SA- Oui ma famille est d'Armentières , près de Lille;elle y est toujours. Ma mère y vit encore, entourée de ses enfants et nombreux petits enfants (nous étions 9).
-A quel age avez-vous senti l'appel du Seigneur?
-SA -Très tôt. Au moment de ma première communion, je savais déjà que je serai religieuse. J'avais choisi ce jour là pour en parler à ma famille; j'avais un frère jumeau qui communiait avec moi,et comme maman était un peu triste de penser que sa fille la quitterait bientôt(j'étais la deuxième),mon frère lui avait dit :"Pleure pas maman,moi je ne serai sûrement pas curé"Le pauvre garçon a été tué quelques années plus tard en 1914,au moment de l'invasion allemande.
-Et puis, ça à été le couvent?
SA.- Oui, puis la prise de voile, puis le service quotidien.
-Comment s'appelle votre ordre?
SA-"Les servantes du Sacré Cœur".La maison et la Révérente Mére sont à Versailles
-Vous n'êtes pas seulement infirmière?
SA- Ha non, Monsieur Thierry, nous participons à toutes les activités paroissiales .Des sœurs font l'école, d'autres s'occupent des pauvres,des dispensaires,etc.…….
--Combien êtes vous à Deuil, et comment est organisée votre vie matérielle?
SA -Actuellement nous sommes 5.Nous partageons les travaux ménagers; nous n'avons pas les moyens de nous payer une femme de ménage; et puis vous savez bien qu'on en trouve plus. Notre Soeur Supérieure est souvent seule à la maison et c'est elle qui fait la cuisine.
-Quel est votre emploie du temps d'une journée, ma sœur?
SA-On se lève à 5 h30
-A 5h30 ?
SA -Oui et je demande au Bon Dieu qu'il me permette longtemps encore de me lever à cette heure. Après la toilette et un peu de ménage nous avons des exercices de piété. Puis, à 7h nous allons à la messe. Ensuite petit déjeuner et vers 8h15 les visites commencent, jusqu'à midi. Déjeuner, vaisselle, vingt minutes de récréation, quelques exercices religieux et à 14h30 je reprends mes visites jusqu'à 19h.
-Et par tous les temps?
SA- Il le faut bien;la maladie n'attend pas.
-Combien de malades visitez vous par jour?
SA-Ce n'est pas régulier,l'hiver il faut bien compter une trentaine.
-Combien de deux roues avez-vous usés?
SA- J'ai déjà usé une bicyclette -mais je l'avais pas eu neuve- et j'en suis à mon troisième Solex.
-Il roule encore bien?
SA- Oui on vient de me changer le moteur.
-Combien de curé avez-vous connus?
SA- Quand je suis arrivée ici,l'abbé Robillard venait de mourir,j'ai donc connu l'abbé Dupont,l'abbé Rodhain,l'abbé Hoff et notre curé actuel.
-Et les vicaires?
SA- Oh ça Monsieur Thierry je peux pas vous dire;hein ça change tellement souvent;j'en oublierai sûrement;ils ne seraient pas content.
-Vous allez bientôt avoir votre maison, vous devez être contente?
SA-Oui on nous l'a promis pour le mois de novembre,ça sera bien agréable. Ici c'est vieux. On ne peut pas tenir propre.
-Nous avons fait ensemble la première "colo"à Lilia, vous souvenez vous?
SA- Oui avec l'abbé Venneuges. Une fois vous m'avez emmenée au marché; tous les paysans y amenaient leur beurre et leurs volailles et déballaient tout cela sur la place. C'était amusant. Je me rappelle que vous n'osiez pas goûter le beurre comme faisaient les autres.
-Oui je n'avais pas l'habitude.Ca fait douze ans déjà.
SA-Oui c'est bien vite passé, Depuis c'est devenu une habitude,je fais chaque année la colonie des garçons;ce sont mes vacances,ça me délasse un peu…..
-A quel age prenez vous votre retraite ma sœur?
SA- Il n'y a pas d'age,on va jusqu'au bout. Quand on en peut plus,on va finir sa vie à Parmain dans notre maison de repos.
-C'est là sans doute que reposent toutes les sœurs?
SA- Pas forcément, nous sommes enterrées là ou nous mourrons,et le plus pauvrement possible,même pas de fleurs.
-Ca ne semble pas un peu sévère?
SA- Non c'est très bien ainsi. Quand on est mort, le corps n'est plus rien…..c'est comme une boite vide.
-Avez-vous conscience de la sympathie qui vous entoure,de tous ces gens que vous avez connus jeunes et dont vous connaissez les propres enfants?
SA- Oui je me rends compte que beaucoup de gens m'aiment bien et que je suis très entourée…..un peu trop parfois. On m'arrête à chaque pas."Ma sœur vous devez bien savoir ci;ma sœur vous allez bien me trouver ça."Je pourrais monter une agence en tous genres;gens de maison;immobilière;et même matrimoniale .Soeur Azélie doit tout savoir ,tout connaître;il faudrait bientôt qu'elle fasse des miracles. Mais je ne suis pas le Bon Dieu, moi, monsieur Thierry.
-Non ma sœur, vous n'êtes pas le Bon Dieu,mais mon petit doigt me dit que vous ne devez pas en être loin.
Propos tapés et mis en ligne par Dracipe27